Après les souffrances de ma fille, celles de ma femme sont apparues, puis mon ami Jean-Marc a été emporté par le cancer avant que ma mère ne connaisse elle-même les maladies de l’âge.
Après tous ces évènements, ces accompagnements, n’est-il pas normal de se sentir vidé ? Sans réaction face aux malheurs de l’époque ? Ahuri, abruti par les chiffres et les informations de l’année du coronavirus.
Pourtant, ma pulsion de vie est entière. La mienne et celle de Gwenn, mon épouse, mon aimée. Je la sens. Mais il est temps de lui redonner un souffle, que je ne me vois, ni moi, ni mon épouse, trouver dans nos activités quotidiennes.
Gwenn est ingénieure agroalimentaire. Elle a exercé 3 ans son métier en entreprise avant de reprendre une formation pour devenir diététicienne. Elle exerce ce métier depuis 20 ans et dispose d’un cabinet à Nantes. Avec les années, les offres promettant de maigrir sans effort en quelques semaines en avalant telle ou telle poudre de perlimpinpin ont fait florilèges. Les applications ont suivi, proposant du « coaching » en ligne pour des tarifs à peine plus élevés que le SMIC horaire. Et les clients français, habitués à ne jamais payer chez le médecin, semblent en délicatesse pour payer des prestations visant à revisiter leur façon de s’alimenter. Le consommateur cherche le médicament plutôt que le long et fastidieux apprentissage du « bien manger ». Alors Gwenn se dit qu’il est temps de faire son métier différemment (comment ?) ou d’en exercer un autre (lequel ?).
Je suis également ingénieur, en informatique. Je n’ai jamais exercé ce métier, pas même une journée. À la sortie de mon école, il y a 27 ans, j’ai été embauché comme commercial dans une entreprise vendant des prestations de services ... en informatique tout de même ... à de « grandes entreprises » pour les aider à mettre en place des tableaux de bord. J’ai fini par devenir le dirigeant de cette société puis par créer ma propre société, puis une autre, avant, par le chemin du hasard ou de la providence, de devenir mon propre employeur, un « indépendant » comme ils disent. Dans mon métier, je vois, j’ausculte, je dissèque le fonctionnement de dizaines d’entreprises, notamment sous l’angle de leur façon de vendre. Je rencontre des dirigeants et salariés de jeunes pousses baignées dans la doxa de la « startup nation » et des grandes organisations qui forment leurs jeunes recrues aux « soft skills ». Mon métier est plaisant, mais je l’exerçais en tandem avec mon ami disparu. Chacun de nous avions nos propres clients et nous nous utilisions mutuellement pour nous raconter nos rencontres, en faire le terreau de nos discussions ou de nos interrogations sur le monde. In fine, nous vendions des missions sur lesquelles le plus souvent nous aimions nous partager les rôles. Avec son départ, le métier a un goût différent. Le temps est-il venu d’en exercer un autre ? De changer ma façon de faire ?
Gwenn et moi sommes les parents de trois enfants, Eva (presque 24 ans), Alexis (21 ans) et Lola (19 ans). Notre nid nantais est vide depuis plus d’un an. Eva démarre sa vie professionnelle à Paris. Alexis démarre son master (à Paris également) et s’apprête à enchaîner, si l’ambiance covidienne le lui permet, année de césure, stages et semestre à l’étranger. Lola, quant à elle, est étudiante à Angers. Mais elle rêve d’une année en Erasmus pour voir le monde, déployer ses ailes et parfaire son anglais.
Comment répondre à nos questions professionnelles sans tourner en rond ? Comment laisser nos enfants déployer leurs ailes sans leur demander tous les quatre matins « est-ce que tu viens le week-end prochain à Nantes ? ». Comment utiliser les expériences de la vie qui nous montrent chaque jour que notre passage sur terre est éphémère ? Comment mettre à profit les événements des derniers mois pour « prendre le temps de la pause » sans lequel les trépidations de notre quotidien ne font que créer un tourbillon illusoire, un miroir aux alouettes ?
Gwenn a eu cette idée, ce début de réponse. Prenons un an pour voyager en septembre prochain, vivre ailleurs toi et moi, sortir de notre quotidien, profiter de l’inattendu et nous mettre au passage en situation de parler l’anglais tous les jours, cette langue que nous apprenons depuis 40 ans et qui nous résiste naturellement dans notre quotidien franchouillard, tout en colonisant l’espace public, professionnel et médiatique.
Pour une idée, c'en est une. Peut-être n’a-t-elle rien d’innovante, comme on aime à qualifier toute chose aujourd’hui, comme si la nouveauté était en soi la garantie d’un devenir meilleur. Mais c’est un projet pour sûr. Et un abysse. À peine Gwenn a-t-elle jeté l’idée que les questions ont fusé : Partir où ? Y rester un an ou bouger ? Que ferions-nous ? Comment gagner notre croûte ? Que faire de la maison ? De quoi vivrons-nous au retour ? Est-ce raisonnable pour les enfants ? Quel pourrait être le fil conducteur de nos activités ?
Ce blog part de cette idée qui n’a donc rien de « disruptive » (ce mot n’a rien de français et me donne des frissons, il sonne comme une injonction, être disruptif ou rien, mais là je m'égare), mais, en quelques jours, elle semble fonder le socle de notre action conjugale et devrait nous amener à voyager. Ce blog va donc raconter cette histoire, depuis sa genèse que je viens de dévoiler à son aboutissement ou notre éventuelle lassitude à en témoigner avec ma belle.
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Quel beau projet, un peu fou, mais tellement motivant. Enfin tu vas parler anglais correctement Jérôme 😜. Je suis fan.
Bon trek ! Bizz