Voilà presque deux mois que notre projet d’aventure vous a été révélé. Pas une éternité, mais suffisamment pour faire un bout de chemin, et parfois se perdre en route. L’idée m’est donc venue de faire un point d’étape maintenant que les feuilles de l’automne sont tombées.
Où aller ? (épisode 2)
Dans l’article éponyme initial, je vous ai raconté comment nous avions évolué dans l’analyse de nos critères. Depuis, nous avons commencé à faire des hypothèses de parcours, très différentes de celles que nous envisagions au départ, qui étaient plus corsetées. Vous avez été plusieurs à vous féliciter pour nous de l’abandon du projet maltais pour des horizons plus larges.
Ainsi, une première version de cheminement s’est esquissée. Partir vers Vancouver au Canada, puis la Tasmanie et/ou l’Australie, pourquoi pas la Nouvelle-Zélande pour arriver en Asie du Sud Est vers Noël. De là, sillonner lentement la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam, le Laos puis aller vers l’Inde et le Népal et pourquoi pas revenir par la Russie. Démarrer donc d’emblée vers les paysages anglo-saxons pour perfectionner notre angliche puis migrer doucement vers des paysages inconnus, mystérieux, mais désirés de longue date par Gwenn.
Un itinéraire qui nous questionne sur de nombreux points et qui n’est qu’une ébauche. Ne restera-t-il pas de fait en l’état jusqu’au départ pour laisser la place nécessaire à l’aventure ? Je me souviens qu’enfant, mes parents avaient des amis qui habitaient près de Menton, je crois. J’étais fasciné par leur façon de préparer les voyages. Ils tenaient, si ma mémoire ne me joue pas des tours, un cahier indiquant presque minute par minute ce qu’ils prévoyaient de faire durant leur séjour. Tout était noté, les visites, les photos, les horaires, les prix et cela, avant de partir. Je me demandais pourquoi donc ils partaient puisque l’essentiel me semblait déjà vécu. Pour reprendre les termes de Romain Graziani, le plan, en matière de voyage, est-il en lui-même obstacle à ce que le plaisir du voyage ne se réalise ?
Bref. Nous avons construit notre premier imaginaire de circuit en prenant une carte du monde et en voyant sur celle-ci une forme de logique géographique à cheminer ainsi. Mais comme l’essentiel est invisible pour les yeux, il y a fort à parier que ce raisonnement recouvre de nombreuses failles. Cette analyse à plat n’intègre pas vraiment les méridiens et le climat, même détraqué. Est-ce bien raisonnable par exemple d’aller au Rajasthan (en Inde) en juillet ? Ou en Australie en décembre ? Quelle Australie d’ailleurs ? En dessinant le trajet avec notre index sur la map monde, nous nous voyons nous balader dans tous les pays cachés sous notre doigt. Mais, ne prévoyons-nous pas, dès le départ, trop de destinations ? N’est-il pas plus facile de se laisser porter par le vent d’une destination à une autre lorsque le programme n’est pas trop chargé que d’abandonner des destinations mûrement réfléchies de longue date ? Combien de temps faut-il rester à un endroit pour vaincre nos résistances et être en réelle capacité d’observer et d’interagir localement ? Enfin il reste l’inévitable énigme du moment : sera-t-il possible de voyager au moment où nous le souhaitons ? Nous présumons que oui !
Si une agence de voyages est sur les rangs pour nous aider d’ores et déjà à affiner les choses (et évaluer le budget), je sais que nous allons continuer de mettre vos expertises à contribution pour remâcher les choses.
Que ferons-nous pendant le voyage ? Et au retour ?
Depuis que notre projet est sur les rails, notre maison nantaise est un terrain de jeu et d’observation. Avec le confinement, nous y sommes reclus et nous la regardons en nous demandant chaque jour ce qu’il s’agirait de bricoler pour le bonheur d’un futur locataire ou acheteur. Aurions-nous pu nous poser cette question pour nous même bien avant ? Nous l’avons fait, mais avec moins d’opiniâtreté qu’aujourd’hui. Ainsi, nous avons récemment mis notre chambre à coucher dans la pièce occupée précédemment par notre bureau et inversement. Nous avons rénové une salle de bain, réparé des lumières à droite et à gauche, revu entièrement l’organisation du grenier. Et tout cela est assez gratifiant. Non seulement chaque action amène un mieux-être et un résultat tangible, mais elle ouvre un nouveau champ de créativité.
De fil en aiguille, et parce que la question de l’endroit où nous allions atterrir au retour est devenue lancinante (je me demande si ce n’est pas votre interrogation la plus fréquente), nous avons commencé à nous dire que nous aimerions, peut-être, certainement, pourquoi pas, envisager de construire un nouveau chez nous après le voyage. Et ainsi prendre le temps de ce dernier pour réfléchir à notre nouveau nid et acquérir quelques compétences pour le concevoir, le réaliser et le bichonner. Nos critères s’affinent donc. Nous voulons perfectionner notre anglais certes, mais aussi apprendre la patience, la minutie et quelques techniques que requiert la création d’un nouvel habitat douillet et à faible consommation carbone.
Dans cette optique, nous avons demandé à Benjamin, un ami « menuisier-zingueur » qui nous a aidés à construire une boite à lire près de notre composteur collectif si ce désir lui semblait réaliste. Nous nous sommes aussi inscrits, sur les conseils de Pascale, à un stage fin février pour apprendre à construire un « habitat autonome ». Nous avons planifié d’aller visiter la maison qu’Anne-Cécile a presque entièrement construite avec ses mains et des matériaux écolos dans le Morbihan. Puis la tiny house de Samuel. Et nul doute que Mathieu, Émilie, Thibault ou d’autres amis bricoleurs de talents viendront ajouter de l’eau à notre moulin à réflexions.
Que faire de notre maison ? (épisode 2)
Du fait de ce que je vous ai confié préalablement, notre penchant du moment prend la direction de la vente. Ainsi, nous larguerions les amarres en mettant notre énergie vers l’idéalisation d’un nouveau home-sweet-home en ayant quelques ressources pour l’aventure et l’avenir. Il est honnête d’ajouter que les inconvénients de la location nous sont apparus nombreux. Autant trouver un locataire semble chose aisée, autant s’assurer qu’il/elle reste un an n’a rien de garanti. Comment faire à distance en cas de problèmes ? Et comment gérer les éventuelles dégradations ? Certes, une agence peut s’occuper de tout cela pour nous, mais, in fine, les risques et les frais cumulés ne nous motivent guère à persévérer dans cette voie. « Il faut considérer la location comme un moyen d’amortir les coûts de l’année » nous disait le représentant d’une agence que nous avons vu et « partir l’esprit tranquille en sachant que vous pouvez revenir à la maison ensuite ». Justement, cela ne nous tranquillise ni l’esprit, ni le porte-monnaie et nous nous demandons si le retour au point de départ est bien ajusté à notre vision. To be followed!
Louer ou vendre, un sujet nous taraude : où stocker nos affaires ? Ces choses qu’on accumule depuis notre vie d’adulte et dont la monumentalité nous apparaît soudainement, comme si la plupart de ces objets étaient là, dans des placards, sur les étagères, sans qu’on les voit (ou qu’on les utilise, ce qui est pire) et qui apparaissaient, parfois, comme des souliers de plomb maintenant qu’on souhaite être léger comme l’oiseau pour s’envoler. Alors on range (ça fait un peu chanson de Stromae). Alors on range (ta lala, la la la) ! On vend, on se sépare, on donne, on jette parfois, on recycle, on répare aussi beaucoup des objets cassés qui reprennent vie pour être probablement donnés ensuite. Ce qui est étonnant, c’est que cette activité de classement, de mise en ordre, ne pèse pas de la même façon sur nos épaules comme lorsque nous le faisions en temps « normal » (étrange cette expression). Peut-être le temps que nous avons joue-t-il son rôle ? Mais j’ai l’impression que c’est la finalité de l’activité qui nous apaise. Nous rangeons moins que nous ouvrons, que nous aérons le paysage. Nous éclaircissons. Certaines choses n’ont plus besoin de leur matérialité, le lot de souvenirs qui leur est associé est en nous. Retrouver certains livres lus mille fois à nos enfants quand ils étaient plus jeunes est une des joies les plus intenses. Ils vont dans le rayon « à conserver précieusement ». Dans ce mouvement d’élagage, Gwenn a une activité qui peut paraître paradoxale. Elle imprime des photos et refait des albums. Pourquoi diantre ? Et bien, beaucoup de nos photos étaient comme nos objets, camouflées. Stockées chez monsieur ou madame Google et donc invisibles. Gwenn a donc inventorié les bons moments photographiés, les a remis sur le devant de la scène, imprimé et mis dans des albums décorés dont nous pourrons jouir, enfin, avant le départ et après notre retour.
Avec quoi vivrons-nous ?
Hum, voilà un sujet plus sensible à évoquer en place « publique ». Même si, n’exagérons pas, vous n’êtes pas plus d’une cinquantaine à nous suivre. Bon, essayons.
Depuis plusieurs années, j’ai enclenché une réflexion visant à clarifier, compte tenu de notre comportement, de nos loisirs, de nos dépendances ou appétences matérielles, ce dont nous avons besoin pour vivre raisonnablement, sans manger trois steaks par jour (pas trop le genre de la maison), mais sans stress. Cela n’a rien d’évident, car nos dépenses n’ont rien de linéaire (ni nos envies). Elles dépendent de multiples facteurs comme les études des enfants, les réparations imprévues, ou les projets de voyage ! Mais, avec le temps, et même avec les fluctuations, nous commençons à discerner des tendances.
Suffisamment pour identifier, compte tenu de nos actifs présents et futurs (comme la vente potentielle de notre maison), l’effort restant à produire nous séparant de notre « liberté financière », le seuil à partir duquel les placements de nos actifs, même prudents et diversifiés, rapportent la manne mensuelle attendue, indépendamment d’une retraite supposée. Nous avons ainsi calculé un écart. Cette somme correspond à ce que nous avons besoin de glaner avec ce que l’on nomme un travail. Et pourquoi est-ce important ? Parce qu’ainsi, pensons-nous, nous pouvons focaliser notre recherche d’activités futures non pas sur, « ce qui rapporte le plus » ou « ce qui nous paye à la fin du mois », mais sur « ce qui rapporte le delta nécessaire, nous plait le plus ET nous laisse un maximum de temps et d’esprit libres ». Un calcul étrangement libérateur que nous avons fait avec l’aide d’un de nos lecteurs. Pourquoi libérateur ? Parce qu’en le calculant, l’écart apparaît plus accessible et il ouvre la porte à de nombreuses pistes d’activités que nous aurions, sans trop y réfléchir, évincées par le passé.
Il est probable que je reviendrai sur ce sujet dans un de mes futurs articles, mais comme celui-là est déjà bien longuet, il me reste à vous remercier de nous lire et attendre, impatiemment, vos commentaires avisés. Directement sur cet espace ou en privé, comme cela vous chante.
A très vite,
Juste une « petite » précision. Anne Cécile ( c’est à dire moi » n’a pas construit toute sa maison de ses mains. J’ai fait appel à des artisans pour une grosse partie du projet. En revanche, j’ai fait une partie de l’électricité, l’isolation en paille terre banchée, les enduits de corps en terre et ceux de finition, à la chaux; ainsi qu’un peu de menuiserie aussi. Plus le dessin de ma maison et la maîtrise d’œuvre du chantier. Et pour une première je trouve que c’était déjà bien. :)